GOLDRATT ET LA VISION VIABLE

par Eliyahu M. GOLDRATT, 2004

La meilleure façon de décrire ce que j’entends par une Vision Viable, est peut-être de citer une lettre que j’ai écrite à mes amis en novembre 2002:

“Lorsque j’analyse une entreprise, je ne suis quelque peu satisfait que lorsque je vois clairement comment il est possible d’amener l’entreprise à avoir, en moins de 4 ans, un bénéfice net égal à son chiffre d’affaires total actuel.”

Connaissant la réaction des gens à une telle affirmation, ma phrase suivante a été:

“Je fais également attention à ne pas partager cette attente avec la direction générale.”
“Ils la prendraient comme une indication décisive que ma solution suggérée n’est pas réaliste.”

En 2003, j’ai mis à l’épreuve la réaction de la direction générale à la Vision Viable.

Mais j’ai pris soin d’exposer les raisons de ma conviction que cette vision apparemment incroyable est viable.

J’ai commencé par partager mon diagnostic de ce qui bloque actuellement la performance de l’entreprise.

Sur cette base, et en utilisant une logique de cause à effet solide, j’ai déduit les étapes tangibles qui sont vouées à éliminer ce blocage.

J’ai ensuite détaillé les étapes à suivre pour capitaliser sur cette percée.

Les étapes qui propulseront l’entreprise pour avoir, en moins de 4 ans, un bénéfice net annuel égal à ses ventes annuelles actuelles.

Présenté de cette manière, la première réaction de la haute direction a été:

“C’est juste du bon sens.”
“Pourquoi ne le faisons-nous pas ?”

Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?

Comment se fait-il que l’idée dominante soit que, à moins qu’une entreprise n’ait un produit unique, ou à moins que l’entreprise ne soit très petite, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce qu’une entreprise augmente son bénéfice net d’autant ?

Comment se fait-il que, même s’il est possible de construire une Vision Viable pour plus de la moitié des entreprises, l’idée dominante soit que c’est impossible ?

SYSTÈME COMPLEXE = SIMPLICITÉ INHÉRENTE.

La réponse est que la plupart des gens ignorent que tout système complexe est basé sur une simplicité inhérente.

Tirer parti de la simplicité inhérente existante permet d’obtenir des améliorations incroyables en peu de temps.

Qu’est-ce que la simplicité inhérente ?

Pour expliquer ce concept, nous devons d’abord clarifier ce que nous appelons un “système complexe”:

“Plus on doit fournir de données pour décrire complètement le système, plus le système est complexe.”
“Si l’on peut décrire complètement un système en 4 phrases, c’est un système simple.”
“Mais s’il faut 1000 pages pour le décrire, le système est complexe.”

QUELLE EST LA COMPLEXITÉ DU SYSTÈME QUE VOUS GÉREZ ?

Combien de pages sont nécessaires pour décrire chaque processus, chaque partie, la relation avec chaque client ?

Ce n’est pas un secret que les entreprises, même les plus petites, sont extrêmement complexes.

Ce n’est pas non plus un secret qu’il est difficile de gérer un système complexe.

COMMENT GÉRER UN SYSTÈME COMPLEXE ?

Alors, comment gérer un système complexe ?

Nous le décortiquons en sous-systèmes:
Chaque sous-système est par définition moins complexe que l’ensemble.

Si vous avez une quelconque hésitation à ce sujet, vous pouvez constater que c’est exactement ce que nous faisons:
Il vous suffit de regarder votre organigramme.

DÉSYNCHRONISATION, OPTIMA LOCAL NUISIBLE, MENTALITÉ DE SILO DÉVASTATRICE.

Découper le système en sous-systèmes a un prix:
Cela conduit à une désynchronisation.
Cela conduit à des optima locaux nuisibles et même dans certains cas, à la mentalité de silo dévastatrice que nous connaissons tous.

Comme nos systèmes sont incroyablement complexes, il semble que tout ce que l’on puisse faire soit de minimiser ce prix à payer:
Faire de notre mieux pour améliorer la synchronisation.
Et favoriser une meilleure collaboration entre les sous-systèmes.

Tant que c’est la seule option que nous envisageons, nous continuerons à avoir l’impression qu’obtenir une augmentation significative des bénéfices dans un délai relativement court reste une exception.

Nous continuerons à avoir l’impression qu’amener l’entreprise à avoir en moins de 4 ans, un bénéfice net égal à son chiffre d’affaires total actuel, est irréaliste.

Pour voir le véritable potentiel d’une entreprise, il faut approfondir la question de la complexité.

Ce qui nous dérange vraiment, c’est le fait qu’une partie des données qui caractérisent notre système ne se rapportent pas seulement à un composant du système, mais aux relations entre deux ou plusieurs composants du système.

En d’autres termes, ce qui rend notre système difficile à gérer, c’est que ce qui est fait à un endroit a des ramifications à d’autres endroits.

Les relations de cause à effet transforment nos systèmes en un véritable labyrinthe.

Mais c’est précisément ce fait qui est LA CLÉ de la solution.

PENSEZ-Y DE LA MANIÈRE SUIVANTE.

Pensez-y de la manière suivante.
Examinez un système donné et demandez-vous:

“Quel est le nombre minimum de points sur lesquels on doit agir pour avoir un impact sur l’ensemble du système ?”

Si la réponse est “10 points”, alors ce système est difficile à gérer:
Il a trop de degrés de liberté.
Ce serait comme essayer de gérer une bande de chats sauvages.

Mais si la réponse est “juste 1 point”, alors ce système n’a qu’un seul degré de liberté.
C’est un système facile à gérer.

Maintenant, êtes-vous d’accord avec le fait que:

“Plus il existe d’interdépendances entre les différents composants du système, moins le système a de degrés de liberté ?”

Compte tenu de l’énorme complexité de votre système, il s’ensuit qu’il ne doit y avoir que très peu d’éléments qui gouvernent l’ensemble du système.

En d’autres termes, plus un système est complexe, plus sa simplicité inhérente est profonde.

Pour tirer parti de la simplicité inhérente, nous devons être capables d’identifier les quelques éléments qui gouvernent le système.

De plus, nous devons clarifier les relations de cause à effet entre ces éléments et tous les autres éléments du système.

Nous pouvons alors gérer un système pour atteindre un niveau de performance beaucoup plus élevé.

Ces quelques éléments – ceux qui dictent le niveau de performance du système – sont les contraintes du système.

Cela implique que les contraintes sont également les points de levier du système.

D’où le nom que j’ai choisi pour cette approche:
La Théorie des Contraintes – Theory of Constraints (TOC).

Il y a 20 ans, j’ai démontré l’approche de la Théorie des Contraintes sur les systèmes de production – les usines de fabrication – dans mon livre, “Le But” (“The Goal”).

Puis, je l’ai démontrée sur les systèmes basés sur des projets, dans “Chaîne Critique” (“Critical Chain”).

Le marketing et la stratégie des entreprises sont démontrés dans “Ce N’est Pas Un Hasard” (“It’s Not Luck”).

BON SENS

Si vous avez lu l’un de ces livres, vous conviendrez probablement que les conclusions sont du pur bon sens – même si elles vont à l’encontre de la pratique courante.

De plus, si vous faites partie des nombreux managers qui mettent réellement ces livres en pratique, vous avez pu constater de visu les améliorations impressionnantes – et le temps étonnamment court nécessaire pour les réaliser.

Pourtant, une Vision Viable est-elle possible pour votre entreprise ?

Est-il possible d’amener votre entreprise à avoir, en moins de 4 ans, un bénéfice net annuel égal à ses ventes annuelles d’aujourd’hui ?

Les obstacles semblent insurmontables.

Par exemple, il est évident qu’un tel saut quantique de rentabilité est impossible, sans une augmentation considérable des ventes.

Une augmentation considérable des ventes ne peut être obtenue que si l’entreprise propose une nouvelle offre.

Une offre qui ne peut être refusée par ses marchés.

Et en imaginant qu’une offre aussi remarquable existe:
L’entreprise peut-elle tenir une telle offre ?
Quel investissement sera nécessaire ?

Et même si tout cela peut être fait, votre équipe de direction est-elle en mesure de mettre en oeuvre, puis de maintenir un tel changement ?

Dans ces quelques minutes, je serais incapable de répondre à ces questions – et à bien d’autres encore.

REJOIGNEZ-MOI POUR UNE JOURNÉE – ÉVÉNEMENT VIABLE VISION

Mais si vous me rejoignez – pour une journée – je pense que vous obtiendrez suffisamment de réponses convaincantes pour suivre ma proposition:

VIABLE VISION – BÉNÉFICE NET ÉGAL AU TOTAL DES VENTES ACTUELLES
https://goldrattgroup.com

Transcrit et traduit de "Goldratt on Viable Vision - Theory of Constraints" par Goldratt Consulting Group, publié par Dr Lisa LANG, Science of Business Inc, USA.

QUOI PENSER VS. COMMENT PENSER

Goal Tree - Arbre du But

Je m’appelle Paul MERINO et, depuis 2012, je suis Facilitateur en Pensée Logique, travaillant intensivement avec mes clients pour les aider à prendre des décisions claires et à résoudre des problèmes difficiles.

Ce mot est une bonne occasion d’entrer en contact avec le public en dehors de mes prestations, de vous partager quelques connaissances à tester et de vous donner une idée de ce que c’est que de travailler avec moi.

Lorsque j’ai pris le temps de rédiger ce texte promotionnel, je me suis demandé quel était le meilleur sujet possible pour commencer.

La première chose qui m’est venue à l’esprit est la réaction que j’ai observée au cours des 20 premières minutes de participation à un atelier de Facilitation Logique, qui s’exprime généralement par quelque chose comme:

“Ouah, ce n’est pas ce à quoi je m’attendais,
c’est différent de tout ce que j’ai fait auparavant”.

J’ai moi aussi le sentiment que ce que je fais est différent, aussi me suis-je donné le défi de formuler en une seule phrase, ce qui expliquerait cette différence.

QU’EST-CE QUI REND LA FACILITATION LOGIQUE SI DIFFÉRENTE ?

Dans la plupart des formations auxquelles j’ai participé, j’ai remarqué qu’après avoir payé, on me fournissait une solution – ce qui est logique.

Mais c’est quelque chose que je n’ai jamais fait en Facilitation Logique; pas une seule fois je n’ai donné une solution à qui que ce soit.
Pourtant, mes clients sont satisfaits du travail que je fais avec eux.

Vous vous dites peut-être que cela semble peu commode; pourquoi ne pas simplement fournir une solution ?

Voici ma réponse, et ce n’est pas en tant que commercial que je vous la partage, mais en tant que facilitateur:

“Je n’ai jamais eu de participant qui ait appliqué et bénéficié
de solutions que je lui aurait personnellement fournies.”

Mais lorsque je donne à mes participants les bases pour construire leurs propres solutions, ils les appliquent très souvent, et elles finissent aussi souvent par fonctionner… (il n’y a pas grand-chose qui ne puisse être résolu en 3 mois, à partir du moment où votre réflexion tient la route).

Ainsi, mes clients sont satisfaits parce qu’ils ont la possibilité de construire leurs propres solutions.

J’aimerais maintenant que vous repensiez au nombre de fois où vous n’avez pas réussi à mettre en oeuvre les solutions des autres, ou à appliquer les conseils des autres.
Il s’agissait peut-être d’un expert, et la solution avait peut-être fait ses preuves pour de nombreuses autres personnes, mais elle ne semblait pas fonctionner pour vous.

Voici quelques raisons qui me viennent à l’esprit :

  1. Les solutions peuvent être des opportunités sensibles au temps, qui deviennent obsolètes.
  2. A l’opposé, les solutions qui sont intemporelles sont souvent des directives conceptuelles de haut niveau qui exigent que vous mettiez beaucoup d’énergie mentale pour remplir les blancs.
  3. Certaines solutions peuvent supposer des conditions de départ qui ne sont pas présentes dans votre situation, et ne sont donc pas efficaces dans votre contexte.
    Avez-vous déjà lu quelque chose du style:

    Étape 1 – envoyez le message XYZ à votre liste d’e-mails de 50.000 prospects” ?
  4. Les solutions que d’autres apprécient peuvent ne pas correspondre à vos valeurs ou préférences, et bien que vous soyez capable d’appliquer telle ou telle solution, rien ne dit que vous vous sentirez bien, ni que vous serez heureux, de le faire.
  5. Les solutions sont parfois conçues de telle manière qu’elles perdent de leur efficacité à mesure que davantage de gens les utilisent.
    Songez à une tactique de marketing pour sortir du lot, ou à l’exploitation d’une faille dans un système – cela ne fonctionne que si personne d’autre n’en profite, et lorsque tout le monde a compris, vous devez passer à autre chose.

DONNER DU POISSON À QUELQU’UN, OU LUI APPRENDRE À PÊCHER ?

J’ai constaté qu’à chaque fois que quelqu’un m’a donné une solution à la petite cuillère, elle appartenait généralement à l’une des catégories ci-dessus.

Ce qui fait que je me retrouve avec une demi-solution, une orientation générale, ou une solution qui a tellement été utilisée qu’elle en a perdu son impact.

Voilà pourquoi, lorsque nous suivons une formation, nous finissons par passer 20% de notre temps à mettre en oeuvre 80% du contenu, et 80% de notre temps à tourner en rond pour essayer d’exploiter les derniers 20% – cela peut être très frustrant pour une solution qui semblait au début si simple et prometteuse.

Cela se produit parce que nous sommes suffisamment semblables pour que des choses comme la psychologie, la relation de cause à effet, et la physique s’appliquent à nous, et en même temps nous restons suffisamment différents les uns des autres, pour que la solution d’une personne ne soit pas directement applicable à une autre.

Chaque fois que j’ai eu un client qui a connu un grand succès, ou qui a obtenu le résultat souhaité en très peu de temps, c’est parce qu’ensemble avec lui nous avons été beaucoup plus précis sur sa situation exacte, nous avons été clairs sur ses limites en termes de temps, d’argent, de ressources et de compétences disponibles, et que nous avons construit une solution en toute sécurité dans le cadre de ses contraintes.

(La plupart des gens détestent les contraintes, mais moi je les adore – elles stimulent l’ingéniosité).

“QUOI” PENSER VS. “COMMENT” PENSER

Voici donc comment je résumerais – en une seule phrase – la principale différence entre mes ateliers et la plupart des autres formations:

La vaste majorité des formations sont conçues pour vous enseigner QUOI penser, les miennent vous enseignent COMMENT penser.

L’importance de savoir COMMENT penser est déjà évidente en Ingénierie et en Sciences, mais le monde des affaires a encore un peu de retard à rattraper.

L’astrophysicien Neil deGrasse Tyson nous donne un excellent exemple de la différence entre QUOI penser et COMMENT penser:

Imaginez que vous cherchez à embaucher un nouvel Ingénieur pour votre entreprise et que vous n'avez plus que 2 candidats.

Alors que l'entretien avec le premier candidat se termine, vous décidez de lui poser une question test:
"Au fait, quelle est la hauteur du bâtiment dans lequel nous sommes ?"

Il vous répond:
"Ah, j'ai étudié ce bâtiment à l'université, je sais que ce bâtiment fait précisément 47m de hauteur." - et il a raison.

Vous accueillez ensuite le candidat suivant.

À nouveau, à la fin de l'entretien, vous demandez:
"Au fait, quelle est la hauteur du bâtiment dans lequel nous nous trouvons ?"

Ce 2ème candidat vous répond:
"Désolé, je ne sais pas, mais je reviens dans 2 minutes."

Le 2ème candidat court dehors, mesure la longueur de l'ombre du bâtiment projetée sur le sol, puis mesure sa propre ombre projetée sur le sol, fait le rapport entre la hauteur et les ombres, et obtient un chiffre.

Il revient en courant vers vous et vous dit:
"Ce bâtiment fait environ 45m de hauteur." - il est près de la bonne réponse, mais pas tout à fait exact.

La question est:
"Qui préférez-vous engager ?"

Je sais que je préférerais engager la personne qui a démontré un processus de réflexion pour trouver la solution, même si cela lui a pris plus de temps pour trouver une réponse, et même si sa réponse n’était pas aussi précise.

Le premier candidat sait QUOI penser, alors que le second sait COMMENT penser.

Rendons-nous à l’évidence:

À notre époque, les gens ont accès à bien plus d’informations que nécessaire.

Et ce dont nous avons besoin pour tirer le meilleur parti de ces informations, c’est de savoir COMMENT y réfléchir.

1 DÉFI, 2 QUESTIONS

Ainsi, le défi que je vous lance aujourd’hui est de vous poser 2 questions aussi simples que difficiles…

  1. Premièrement, “COMMENT Pensez-Vous ?”
    • En d’autres termes, lorsque vous êtes confronté à un problème ou à une décision importante, quel est le processus général de réflexion que vous suivez dans votre esprit ?
    • Notre processus de pensée a tellement d’impact sur nos vies, que je suis étonné que la plupart des gens n’en aient pas.
    • Ou s’ils en ont un, ils n’en sont pas conscients concrètement.
    • C’est pourquoi je vous encourage à écrire votre processus de pensée sur papier, et à en prendre conscience.
  2. Deuxièmement, “A quoi pourrait ressembler l’amélioration de votre Processus de Pensée ?”
    • Je crois que c’est l’une des questions les plus importantes que je puisse poser à quelqu’un, car beaucoup de gens tombent dans le piège de croire que leur pensée est PARFAITE.
    • Certaines personnes peuvent avoir attaché beaucoup d’ego à leur pensée, et le simple fait de leur présenter des opportunités d’améliorer leur pensée, ne fait que les offenser ou les braquer.

L’existence même de mes ateliers de Facilitation Logique a pu même irriter certaines personnes, qui n’ont pas été en capacité de dépasser leur ego !

Si vous m’avez lu jusqu’ici, je sais que vous n’êtes pas dans ce cas :-)

POSTURE

J’ajouterais également que je n’ai jamais facilité la pensée de quiconque en me disant “je suis plus intelligent que lui”.

En fait, je dirais que la grande majorité des clients que je guide sont beaucoup plus intelligents que moi.

C’est donc plutôt l’inverse; la plupart de mes clients me considèrent comme “un assistant personnel cérébral”:

Ce que j’apporte, c’est un ensemble éprouvé de modèles de prise de décision et de résolution de problèmes, ainsi que la capacité accrue de remarquer, d’un point de vue extérieur, des choses qui vous auraient échappé dans le feu de l’action.

Cela dit, quel que soit le degré d’intelligence que vous vous attribuez ou qui vous est reconnu, une chose dont toute personne véritablement intelligente est sûre et certaine, c’est que sa pensée n’est pas parfaite.

Aux personnes qui en pensent autrement, j’aime suggérer ceci:

“Si votre pensée était absolument parfaite, si vous étiez en quelque sorte connecté à une IA super-intelligente, alors votre vie serait probablement bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui !”

En disant cela, je ne prétends pas être en mesure de juger de leur niveau super-intelligent de pensée; j’utilise simplement cette affirmation comme une boutade, pour souligner le fait qu’en réalité, chacun possède beaucoup plus de possibilités d’amélioration que ce dont il a spontanément conscience.

CONCLUSION

Ceci étant posé, à quoi ressemblerait l’amélioration de votre processus de pensée ?

Quels défis pourriez-vous surmonter ?

Et quelles opportunités pourriez-vous remarquer, qui vous permettraient de passer au niveau supérieur ?

Si vous souhaitez vous mettre dans une dynamique pour répondre à ces questions, je vous invite à rester au courant de ce que je partagerai à l’avenir, ou à vous offrir un atelier de Facilitation Logique avec moi comme animateur.

Merci de votre temps de lecture, fort apprécié, et souvenez-vous de concentrer votre attention non pas sur “QUOI” vous devez penser, mais sur “COMMENT” – c’est-à-dire sur votre manière de penser.

Librement traduit et adapté de "What To Think VS How To Think" par Jarrod Saxton, Instructor Principal chez BBIT (Black Belt in Thinking), Nouvelle-Zélande.

Le DDMRP vu par Dale Carnegie

Ce pitch est dédié à #DDGen – la Génération Demand Driven.

Il est librement adapté de l’ouvrage de Dale Carnegie: “Comment Dominer le Stress et les Soucis”, paru en 1944 et réédité chez Flammarion en 2004.

“Pour quelle raison les pneus de nos voitures supportent-ils le frottement, l’usure, les arêtes tranchantes du gravier, les chocs et les secousses de la route ?
Les premiers fabricants s’efforcèrent de faire des roues capables de résister à tout cela.
Au bout de quelques kilomètres, ces pneus partaient en lambeaux.
Puis, on eut l’idée de fabriquer des pneus capables d’amortir, d’absorber les chocs.
Et, miracle, ce pneumatique souple “encaissa”.
Nous pouvons, nous aussi, améliorer notre voyage à travers l’existence [de notre entreprise] si nous apprenons à amortir les chocs dont est parsemée [sa] propre route [et celle des partenaires de sa Supply Chain].”

p.80, 3ème Partie: Comment Briser le Stress Avant Qu’il Ne Vous Brise, Chapitre 11, Règle 11: Composez Avec l’Inévitable.

L’analogie est ici faite entre le chemin de notre existence – celui des organisations auxquelles nous contribuons notre énergie – et les amortisseurs DDMRP qui viennent découpler les chocs de variation dans nos activités, pour mieux protéger le Flux.

N’hésitez pas à vous en inspirer pour faire partager les raisons de votre enthousiasme envers les approches Demand Driven et la finalité du Flux.

Dale Carnegie on DDMRP

This elevator pitch is dedicated to #DDGen – the Demand Driven Generation.

It is freely adapted from Dale Carnegie’s book: “How to Stop Worrying and Start Living”, originally published 1944, republished 2004 by Gallery Books.

“Why do you think your automobile tyres stand up on the road and take so much punishment?
At first, the manufacturers tried to make a tyre that would resist the shocks of the road.
It was soon cut to ribbons.
Then they made a tyre that would absorb the shocks of the road.
That tyre could “take it”.
You and I will last longer, and enjoy smoother riding, if we [and therefore our company] learn to absorb the shocks and jolts along the rocky road of life [and that of its Supply Chain partners].”

Chapter 9, Rule 4: Co-Operate With The Inevitable.

The analogy is here made between the path of our existence – that of the organizations to which we contribute our energy – and the DDMRP buffers which are strategically positioned in order to decouple the variation in our operations, so as to better protect the Flow.

Feel free to get inspired, for you to share the rationale behind your enthusiasm towards the Demand Driven approaches and the purpose of Flow.

Théorie des Contraintes 101:

Application des Principes du Flux au Travail Intellectuel

Article 101 – Introduction à la Théorie des Contraintes (TOC)

Le principe fondamental de la Théorie des Contraintes (TOC), tel que décrit par Eliyahu Goldratt dans Le But; la définition d’un goulot (goulet d’étranglement) ou d’une contrainte; pourquoi la seule façon d’améliorer un système est d’améliorer sa contrainte

Article 102 – L’Illusion des Optima Locaux

Pourquoi les optima locaux et l’optimum global sont mutuellement exclusifs; pourquoi une entreprise où tout le monde est occupé à travailler est terriblement inefficace; toute amélioration qui ne touche pas la contrainte est une illusion

Article 103 – Les 4 Principes Fondamentaux du Flux

Une brève histoire de la façon dont les principes fondamentaux du flux se sont manifestés au fil du temps; l’importance de limiter les travaux en cours; la proposition de Goldratt de mécanismes basés sur le temps pour limiter les travaux en cours

Article 104 – Équilibrez le Flux, Pas la Capacité

Drum-Buffer-Rope (DBR) – Tambour-Tampon-Corde (TTC) – l’application originale de la TOC pour la fabrication; pourquoi aucune entreprise ne devrait prendre plus de travail que son goulot ne peut traiter; pour exploiter pleinement une partie donnée d’un système, toutes les autres parties doivent être surcapacitaires

Article 105 – Drum-Buffer-Rope (DBR) chez Microsoft

Une étude de cas montrant comment, chez Microsoft, une équipe d’ingénierie logicielle a utilisé Drum-Buffer-Rope (DBR) – Tambour-Tampon-Corde (TTC) – pour améliorer considérablement sa productivité et son débit

Article 106 – Les 5 Étapes de Focalisation (5FS)

Un bref aperçu de la méthode d’amélioration continue qui fait le coeur de la TOC; comment les systèmes dynamiques fournissent un retour pour identifier correctement la contrainte; comment la TOC propose d’améliorer les systèmes complexes et dynamiques

Article 107 – Identifier la Contrainte (5FS 1/5)

Étape 1 des 5 Étapes de Focalisation (5FS 1/5); comment trouver la contrainte organisationnelle dans le travail intellectuel; les politiques et les règles vues comme les contraintes les plus préjudiciables (et les plus faciles à changer); expérimenter pour trouver les contraintes

Article 108 – Optimiser la Contrainte (5FS 2/5)

Étape 2 des 5 Étapes de Focalisation (5FS 2/5); comment optimiser la contrainte organisationnelle dans le travail intellectuel; la TOC vue comme système de ciblage et de mise en oeuvre pour toutes les autres méthodes d’amélioration

Article 109 – La Psychologie de la Subordination (5FS 3/5)

Étape 3 des 5 Étapes de Focalisation (5FS 3/5); comment la subordination ramène au premier plan les aspects psychologiques et politiques des organisations; pourquoi notre système de mesure stimule les productivités locales, mais pas la productivité globale

Article 110 – Élever la Contrainte (5FS 4/5)

Étape 4 des 5 Étapes de Focalisation (5FS 4/5); pourquoi serait-il malavisé de sauter directement à l’Étape 4 en cherchant à appliquer les principes du flux; techniques pratiques pour élever la contrainte

Article 111 – La Gestion de Projet en Chaîne Critique (CCPM)

Application de la TOC à la gestion de projet; comment les estimations de durées à fort indice de confiance entraînent des marges de sécurité massives; pourquoi les estimations de durées du travail intellectuel tendent le plus souvent à se dilater, et rarement à se contracter

Théorie des Contraintes 101:

Article 101 – Introduction à la Théorie des Contraintes (TOC)

La Théorie des Contraintes (TOC) est trompeusement simple. Elle commence par aligner une série d’affirmations «évidentes». Vraiment rien que du bon sens. Et avant que vous ne vous en rendiez compte, vous vous retrouvez en train de remettre en question les principes fondamentaux de l’entreprise et de la société modernes.

Eliyahu Goldratt détaille sa théorie en 1984 dans son livre best-seller intitulé Le But. C’est un livre atypique pour l’époque: un «roman d’affaires» racontant l’histoire d’un responsable d’usine dans le Midwest post-industriel, luttant pour la survie de sa manufacture. Les problèmes rencontrés par ce manager sont universels, bien sûr, et pas seulement dans le domaine de la fabrication. Depuis 30 ans, ses lecteurs identifient immanquablement leur propre situation à son histoire fictive. Et c’est cet éclair de lucidité qui les entraîne dans les profondeurs du monde de la TOC.

La première affirmation de la TOC est que tout système a un goulot plus étroit que tous les autres, de la même manière qu’une chaîne n’a qu’un seul maillon plus faible entre tous.

Goulot ou Contrainte
Goulot ou Contrainte

Pour certains systèmes, vous pouvez le voir clairement: les voitures qui ralentissent toujours à telle section de l’autoroute; cette porte au bureau où les chemins de tous semblent converger; ce coude de votre circuit de plomberie qui ne reste jamais débouché très longtemps.

Pour d’autres types de systèmes, c’est moins évident. À partir des goulots – qui décrivent des flux de matières – il convient d’élargir le concept aux contraintes de toute nature.

Quelle est la contrainte qui empêche un café de servir plus de clients ? Ce n’est pas la taille de la porte. Il pourrait s’agir de la cadence de préparation du cappuccino, de la rapidité d’autorisation des cartes de crédit, ou du nombre de personnes souhaitant prendre un café à cet endroit, à cette heure et pour ce prix. Il n’est pas toujours facile de vraiment savoir où la contrainte se trouve. Mais nous savons qu’il y en a une – sans quoi le magasin pourrait servir un nombre infini de clients, et à une vitesse infinie.

Pour prendre l’exemple d’Usain Bolt, quelle est la contrainte qui empêche un corps humain de courir plus vite ? Ce pourrait être la capacité de son corps à métaboliser le glucose, ou à oxygéner ses muscles; ou l’accroche de ses chaussures sur la surface de la piste; ou bien encore une croyance limitante, nichée quelque part au tréfonds de son esprit.

De toute évidence, il devient encore plus difficile de trouver la contrainte une fois que nous entrons dans le monde de l’abstrait, du psychologique et de l’immatériel. Mais revenons à nos moutons.

La deuxième affirmation est que la performance du système dans son ensemble est limitée par la sortie du goulot le plus étroit ou la contrainte la plus limitante.

En d’autres termes, si l’eau circulant dans un tuyau est réduite à un filet par une section étroite, alors l’écoulement en sortie du tuyau ne sera qu’un filet. Un tel phénomène est moins facile à détecter par intuition, tant il est masqué par le désordre des systèmes avec lesquels nous interagissons d’ordinaire.

Entrée Ralentissement Sortie
Entrée Ralentissement Sortie

Notre café ne peut pas servir ses clients un iota plus rapidement que la vitesse de sa caisse enregistreuse (si là est sa contrainte et si on y paye à la commande). Usain Bolt ne peut pas retrancher une microseconde de son temps sans augmenter sa proportion de fibres musculaires à contraction rapide (s’il s’agit là de sa contrainte la plus limitante).

La troisième affirmation découle des deux premières, mais reste la plus difficile à avaler. Pour reprendre une analogie bien connue, c’est la pilule rouge de la TOC: si les première et deuxième hypothèses se tiennent, alors la seule façon d’améliorer la performance globale du système est d’améliorer le débit en sortie du goulot (ou plus généralement, la performance de la contrainte).

Pour Faire la Différence, Améliorez Ici.
Pour Faire la Différence, Améliorez Ici.

Dans notre exemple du café, si la contrainte la plus limitante est la caisse enregistreuse, alors littéralement rien d’autre ne saurait impacter le résultat net, si ce n’est améliorer la vitesse de ladite caisse enregistreuse. Ni un meilleur service à la clientèle, ni une meilleure qualité, ni une meilleure décoration d’intérieur, ni un WiFi plus rapide, ni des toilettes plus propres, ni un breuvage plus corsé, ni toute autre proposition parmi le million d’idées que nous pourrions générer dans un atelier de brainstorming débridé. Toute amélioration qui ne touche pas la contrainte est une illusion, pour la même raison qu’il est impossible de renforcer une chaîne sans renforcer son maillon le plus faible.

Songez maintenant à la façon dont une entreprise typique fonctionne. Le PDG annonce qu’il est temps que l’entreprise s’améliore. Cet ordre se répercute dans les rangs, chaque manager soulignant à son équipe l’importance de leurs efforts individuels. Les uns et les autres entendent ce qu’ils veulent entendre: les comptables comprennent qu’ils doivent améliorer l’utilité des livres qu’ils tiennent (chacun interprétant différemment le mot «utilité»); les développeurs de logiciels opinent du chef en admettant qu’il est crucial de produire un meilleur code (chacun interprétant différemment le mot «meilleur»); les membres du marketing s’accordent pour dire que la seule solution consiste à élaborer des campagnes de promotion plus créatives (nul ne prenant la peine de définir cette «créativité»).

Chacun part bille en tête vers sa mission personnelle, le nez sur le guidon et la prime sur objectif dans le viseur, sans s’apercevoir que pris collectivement, leurs efforts individuels exécutent en réalité une philosophie de gestion implicite:

VRAI OU FAUX ? «Où qu’elles soient, toutes les améliorations locales convergent automatiquement pour se traduire en amélioration globale de l’organisation toute entière.»

Dans sa «Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie» parue en 1936, John Maynard Keynes écrit: «Les gens qui se croient terre-à-terre, au point de se prétendre libres de toute influence intellectuelle, sont le plus souvent les esclaves machinaux de quelque économiste défunt.»

Et si cette philosophie de gestion implicite était fausse ? Et si, en croyant que nous pouvons améliorer un système dans son ensemble en améliorant individuellement chacune de ses parties, nous vivions et travaillions selon un paradigme économique lui-même défunt depuis des décennies ?

C’est tout à la fois ce que soutient la Théorie des Contraintes, et le problème qu’elle se propose de résoudre.

Théorie des Contraintes 101:

Article 102 – L’Illusion des Optima Locaux

Dans l’article précédent, j’avance que de nombreuses personnes souscrivent inconsciemment à une philosophie de gestion défunte: à savoir qu’il serait possible d’améliorer les performances d’une entreprise dans son ensemble, en améliorant la performance individuelle de ses parties.

Ces améliorations isolées sont communément appelées des «optima locaux» (ou dans les contextes traditionnels de fabrication, des «efficiences locales»). Un optimum local est ce qui est le mieux pour la performance individuelle d’une partie, alors que l’optimum global est ce qui est le mieux pour la performance du système dans son ensemble.

Pour formuler différemment notre conclusion précédente: le fait d’additionner une collection d’optima locaux n’entraîne pas automatiquement un optimum global.

Tout d’abord, illustrons notre propos par un exemple concret. Imaginez la conception d’une voiture où chacune des parties serait sous la responsabilité d’une équipe différente. Chaque équipe serait composée des experts les plus compétents du domaine concerné, et aurait reçu pour mission de fabriquer son meilleur composant possible, en vue de l’intégration finale.

Nul besoin de beaucoup d’imagination pour s’attendre à un florilège de problèmes. Par exemple, l’équipe des pare-chocs pourrait avoir conçu des monstres de 60cm d’épaisseur, de surcroît plus larges que la voiture elle-même, avec des matériaux absorbants de haute densité et des systèmes intelligents à hydraulique adaptative. Nonobstant toute question de coût, de tels pare-chocs seraient considérablement dangereux une fois installés, du fait de la masse, du poids et de la complexité ajoutés, en décalage avec les besoins plus généraux du véhicule. Sans même parler des intérêts supérieurs des occupants.

Là est le point important à retenir – et néanmoins souvent ignoré – au sujet du rôle que jouent les optima locaux dans les systèmes complexes: non seulement les optima locaux ont tendance à être sous-optimaux – au sens où «ils ne sont pas au top» – mais une fois combinés en un système interdépendant, les optima locaux font en réalité dérailler les choses.

Voyons maintenant comment cela se manifeste dans les entreprises.

Représentez-vous les services d’une entreprise comme une suite de sections de tuyauterie, avec des travaux circulant de la première à la dernière. Chaque cercle dimensionné dans le tuyau représente la capacité de son service. J’ai désigné le service Ingénierie comme étant le goulot, avec la capacité la plus basse:

Le Goulot - Service Ingénierie
Le Goulot – Service Ingénierie

Le service Commerce signe un contrat et le remet au service Produit. Le service Produit structure le projet et le transmet au service Design pour lui donner corps. Le service Design envoie son travail au service Ingénierie pour lui donner vie. Tout le monde se sent productif et heureux.

La Capacité du Goulot se Remplit Très Rapidement
La Capacité du Goulot se Remplit Très Rapidement

Mais c’est là que les choses deviennent intéressantes. Très rapidement et en toute logique, la capacité du service Ingénierie sature, ce qui entraîne une conséquence très simple: dans ces conditions, le fait de lui confier davantage de travail n’en fera pas sortir davantage de produits finis.

Mais que peuvent bien y faire les services Commerce, Produit et Design ? Ils opèrent selon la règle universelle en vigueur sur tout lieu de travail moderne: «Rester Occupés». Cet ordre implicite est un optimum local, qui de fait leur assène un impératif: «Optimisez l’utilisation de votre service à sa pleine capacité».

Et qui pourrait les en blâmer, eux ou leurs managers ? Rien n’instille plus la crainte au coeur d’un manager, qu’une «ressource sous-rentabilisée». Et rien n’instille plus la crainte au coeur d’un salarié, que le sentiment qu’il n’y a peut-être pas assez de travail pour justifier son emploi. On peut toujours trouver quelque chose à faire, ou à faire faire, pour «Rester Occupés».

Alors, que font les services en amont ? Ils lancent de nouveaux projets. Ils remplissent leur capacité, comme on l’attend d’eux:

Nouveaux Projets Démarrés en Amont
Nouveaux Projets Démarrés en Amont

Ce ne serait pas un problème si les effets de ce modus operandi restaient confinés au sein de chaque service. Mais ce démarrage de nouvelles activités injecte inévitablement plus de travail dans le tuyau, en direction du goulot. Même si le service Ingénierie a peu ou prou la discipline et l’autorité de refuser toute nouvelle demande, le simple fait de devoir les décliner poliment à l’entrée suffit déjà à consommer une part précieuse de sa capacité. Il faut du temps et des efforts pour gérer plus d’emails, fournir plus d’estimations, et manoeuvrer politiquement pour esquiver la pression du reste de l’entreprise.

La conséquence est que la capacité restante du goulot – déjà limitée par le travail productif – s’en trouve encore réduite:

La Capacité du Goulot est Encore Réduite
La Capacité du Goulot se Réduit Encore

Ce qui bien évidemment, ne fait qu’exacerber davantage la situation. Au fur et à mesure que le débit du goulot diminue, encore plus de travail s’accumule devant sa porte, ce qui met les services en amont encore plus dans l’attente, ce qui amène ces derniers à lancer encore plus de projets, ce qui injecte encore plus de travail en direction du goulot, ce qui réduit encore davantage son débit.

Pendant ce temps, la même situation est induite dans les services en aval: ils se retrouvent à attendre du travail en souffrance au goulot, et afin de remplir leur propre capacité, ils lancent à leur tour de nouveaux projets:

Nouveaux Projets Démarrés en Aval
Nouveaux Projets Démarrés en Aval

Bien que ces activités naissent en aval, elles créent également plus de travail pour le goulot. Que ce soit sous la forme de projets transfonctionnels nécessitant des «entrées» de la part du service Ingénierie, de coûts cachés tels que des réunions ou des événements, ou d’autres interactions de toute nature. La capacité du goulot disponible pour le travail productif s’en trouve encore diminuée:

La Capacité du Goulot est Encore Davantage Réduite
La Capacité du Goulot se Réduit Encore Davantage

À ce stade, avec un débit considérablement réduit, un goulot qui s’est mis tout le monde à dos, un goulot d’ailleurs lui-même fâché avec tout le monde, et un résultat en berne du fait que plus aucun produit ne sort, le management estime qu’il est temps d’intervenir.

S’ils sont bienveillants et munis d’un trésor de guerre, la solution leur est toute trouvée: «Il nous faut plus de capacité !». Sinon, ils mettent la pression. Tout le monde doit travailler tard, travailler les week-ends, déjeuner à son poste de travail, et couper court à toutes les activités «non essentielles»: «Ayez l’air encore plus occupés !».

Et voici ce à quoi l’entreprise ressemble désormais:

Tout le Monde est Occupé à Travailler
Tout le Monde est Occupé à Travailler

Voilà pourquoi une entreprise où tout le monde est occupé à travailler est terriblement inefficace. En effet, la seule façon de satisfaire au dogme de l’utilisation maximale est que chacun optimise sa propre productivité individuelle et ce, au détriment de la productivité du goulot. Or, c’est de la productivité du goulot – et d’elle seule – que dépend le flux de l’entreprise.

Si vous croyez que les optima locaux s’additionnent pour atteindre un optimum global, alors il ne peut y avoir à vos yeux qu’une seule solution aux performances organisationnelles faibles: améliorer le flux à toutes les sections du tuyau.

Mais ajouter plus de capacité en amont ou en aval du goulot ne fera qu’empirer les choses, au lieu de les améliorer. Tentez une «amélioration» en tout autre point que le goulot, et vous aurez planté en beauté l’ensemble du système.

«TOUTE amélioration ne touchant pas la contrainte est une illusion.»

Théorie des Contraintes 101:

Article 103 – Les 4 Principes Fondamentaux du Flux

Dans l’article précédent, je décris comment le goût généralisé des entreprises pour les optima locaux favorise le surmenage et l’épuisement professionnel des salariés, ainsi qu’une baisse de flux et de rentabilité du résultat net.

Avant de nous pencher sur la solution que la TOC propose, examinons brièvement l’histoire du flux, en commençant par Henry Ford.

De nos jours on se souvient surtout de Ford pour son Modèle T et ses aphorismes à l’emporte-pièce, mais sa véritable contribution au monde fut la découverte des 4 Principes Fondamentaux du Flux:

  1. Optimisation du Flux: L’objectif principal des opérations est d’améliorer le Flux (également nommé Throughput, défini comme la somme du chiffre d’affaires moins les coûts complètement variables).
  2. Non-Production: La clé pour améliorer le Flux consiste à établir un mécanisme pratique pour déterminer quand il convient de NE PAS produire.
  3. Abolition des Optima Locaux: Les efficiences locales (plus connues de nos jours sous le vocable «optima locaux») doivent être abolies.
  4. Processus de Focalisation: L’amélioration doit être guidée par un processus de focalisation, afin d’être orientée en permanence vers l’endroit où elle pourra faire la plus grande différence.
Les 4 Principes Fondamentaux du Flux
Les 4 Principes Fondamentaux du Flux

A l’époque, alors que les concepts de lignes de production et d’assemblage de Ford balaient le monde, séduisant industrie après industrie par leurs performances sans précédent, tous les experts s’accordent à dire que seules de très grandes quantités de produits identiques sauraient justifier une ligne à part entière.

Tous ? Non ! Un ingénieur Japonais du nom de Taichii Ohno résiste encore et toujours à cette idée envahissante…

Ce dont Ohno se rend compte, c’est que les principes du flux sont génériques. Le génie du système de Ford ne tient pas seulement à sa vitesse et à son uniformité, mais à la nouvelle façon qu’il a de maîtriser l’empilement des travaux en cours, ce grand ennemi du flux. En connectant les services par tapis roulant et en limitant strictement la quantité d’espace qui les sépare, les travaux en cours n’ont tout simplement pas la possibilité de s’empiler. Quant aux ressources situées en amont, elles ne peuvent littéralement pas produire plus vite que les ressources situées en aval, car dans une ligne ainsi interconnectée, tout problème rencontré déclenche instantanément l’arrêt total de l’ensemble de la chaîne.

Ohno fait face à une situation très différente de celle de Ford: son marché japonais exige quant à lui de petites quantités d’une variété de modèles de voitures. Il ne peut donc pas se permettre de consacrer tout un équipement à une seule grande série d’un seul modèle, car chaque machine doit travailler sur un panaché de différentes pièces. Et c’est à ce point de la réflexion que la plupart des petits fabricants abandonnent leurs recherches: «C’est impossible à faire !».

Mais Ohno s’aperçoit qu’il parvient à maîtriser les travaux en cours d’une manière différente – en limitant directement le nombre de pièces autorisé à s’empiler entre les services. Sur la base de cette réalisation, il conçoit le système Kanban. Chaque conteneur rempli de pièces est accompagné d’une petite carte («kanban» en japonais) précisant le nombre de pièces assignées à ce conteneur. À mesure que le conteneur se déplace vers l’avant, la carte est renvoyée vers l’arrière, signalant à l’opération précédente de reproduire exactement ce même nombre de pièces, et pas une de plus. C’est là toute la puissance de Kanban: pouvoir dire à chaque travailleur quand il convient de NE PAS produire. Ohno venait de gagner son pari: transposer à son propre contexte le principe de Non-Production (le 2ème des 4 Principes Fondamentaux du Flux énoncés par Ford) en déplaçant le mécanisme de régulation, des tapis roulants aux pièces.

Ohno fait maintenant face à un autre défi: comment focaliser l’amélioration continue (le 4ème Principe Fondamental du Flux) ? Pour Ohno, la difficulté est que l’équipement n’étant pas dédié à une seule grande série d’un seul modèle, il est presque impossible d’identifier les problèmes qui compromettent le flux, par la seule observation. Il trouve alors la solution par une analogie marine: «les Récifs et la Marée». En réduisant progressivement la taille du lot de fabrication, on simule un lent retrait du niveau de la mer. Tant que le flux demeure ininterrompu, on continue de resserrer lentement les paramètres opérationnels. A force de se retirer, cette «marée descendante» finit par révéler les «récifs» (les obstacles au flux) tapis sous la surface. Dès que l’un d’entre eux affleure, des techniques spéciales sont alors mises en oeuvre pour baliser, identifier et réparer définitivement la cause racine de la perturbation. Ce sont ces techniques qui ont ensuite donné corps au Mouvement Lean – connu à l’origine sous le nom de «Toyotisme» ou «Toyota Production System» (TPS).

Ce sont les gains de productivité libérés par ce système qui ont, pour ainsi dire, donné naissance au monde moderne. Des voitures aux savons en passant par les téléviseurs et les produits pharmaceutiques… jusqu’à l’appareil usiné avec précision que vous utilisez en ce moment même pour lire ces lignes.

Mais le système de production Toyota – popularisé sous le nom de Just-In-Time Manufacturing (JIT) ou «Fabrication Juste-à-Temps» – n’est pas parfait. Ce n’est qu’une application – adaptée à une époque et à un lieu particuliers – de principes autrement plus fondamentaux. Déjà au cours de son développement, ses failles commençaient à apparaître.

Le problème majeur du TPS-Lean est d’exiger la stabilité et la prévisibilité, tant dans l’environnement interne (la production) que dans l’environnement externe (le marché).

En interne, on doit maîtriser étroitement tous les facteurs susceptibles d’affecter la variabilité et ce, jusqu’à plusieurs décimales. C’est le secret inavouable du Lean: il prend un temps incroyable à mettre en œuvre. 9 mois par ligne de production est la recommandation officielle – plutôt optimiste – du Toyota Supplier Support Center (le Centre de Support aux Fournisseurs de Toyota). En réalité, il a fallu parfois jusqu’à 10 ans pour implémenter le système dans la totalité d’une entreprise.

Dans l’environnement externe, l’exigence de prévisibilité est, bien évidemment, encore plus problématique. Malgré la relative stabilité du flux de commandes chez Toyota, il a fallu établir un mode d’acceptation des commandes (et de promesse des livraisons) qui limite le changement d’assortiment d’un mois sur l’autre. La plupart des entreprises ne sont pas en mesure d’exiger des conditions aussi confortables de la part de leurs fournisseurs et clients. Et le pire dans tout ça, c’est que la production n’a aucun contrôle sur cette source d’instabilité, qui vient non pas de la façon dont les produits sont fabriqués, mais de la manière dont ils sont commercialisés et vendus.

Telle est la situation dans laquelle Eliyahu Goldratt met les pieds en 1984, avec la publication de son livre Le But. Physicien de formation «Pour mieux apprendre au monde à penser», Goldratt joue à bien des égards le même rôle que son prédécesseur Ohno quelques décennies plus tôt, en traduisant les principes fondamentaux du flux vers un nouveau paradigme.

Ce dont Goldratt se rend compte, c’est que le TEMPS est un mécanisme plus efficace que les limites physiques (tapis roulants ou pièces) pour limiter les travaux en cours. Il propose donc de contenir les travaux en cours non pas en s’affairant sur des lignes, des conteneurs et des pièces, mais en limitant plus directement et en tout point du système, la quantité GLOBALE de travail. Sa méthode utilise 3 points de levier temporels: la cadence de traitement du goulot, le positionnement stratégique de tampons (compris comme étant des amortisseurs ou «buffers»), et le signal de «libération des matériaux». Ces points de levier correspondent aux 3 éléments principaux du système de production manufacturière conçu par Goldratt: le Drum-Buffer-Rope (DBR) – Tambour-Tampon-Corde (TTC) en français.

Évolution des Limites de Travaux en Cours (WIP)
Évolution des Limites de Travaux en Cours (WIP)

En s’appuyant sur le mécanisme du temps, les principes du flux deviennent applicables bien au-delà du monde de la fabrication – aux environnements projets, à la vente et au marketing, au commerce de détail et aux services, et même au développement de logiciels.

Dans tous ces domaines créatifs, le travail ne suit pas le flux séquentiel et linéaire d’une chaîne d’assemblage, mais bien plutôt le flux encore plus rigide, et encore plus linéaire, du temps.

Cet éclairage est la clé pour bien comprendre à quel point ces idées – nées dans le cambouis des usines manufacturières – sont tout aussi pertinentes pour le travail intellectuel de notre époque.